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Une anthologie de poèmes sur le travail

Dernière mise à jour : 15 mars 2022


Parue il y a plus d'un an, notre anthologie illustrée de poèmes sur le travail est toujours d'actualité. Distancié, ubérisé, le travailleur est-il un coût ou une richesse? Et le travail, est-il un asservissement ou un espace de liberté? Les poètes ont leurs réponses.


Le travail est l’énergie qui fait fonctionner les sociétés humaines. Pourtant, à notre époque aux prises avec le chômage de masse, avoir du travail passe pour une chance que les chiffres actuels de souffrance et d’épuisement professionnels ont vite fait de ternir. Car la figure du travailleur a bien changé : à l’ouvrier, au salarié, au fonctionnaire, à l’agriculteur, il faut désormais ajouter des

travailleurs au statut en tout genre, détaché, autoentrepreneur, intérimaire, vacataire, chargé de mission en CDD à géométrie variable et surtout instable,… Le travailleur finit par se regarder dans un miroir brisé, où le travail, dissocié de celui qui l’accomplit, est également dissocié pour grande part de la production des richesses mondiales. Au moins en apparence, surtout en apparence.

Cette petite anthologie est donc une invitation à la réflexion sur notre lien intime avec le travail, hier et aujourd’hui. Thème surprenant pour une anthologie de poésie et qui a certes moins inspiré que les transports amoureux, il rend au poète sa place pleine et entière dans la société, à l’inverse de ce que nous inviterait à croire une certaine vision de l’artiste née du romantisme. Observateur de son temps, il en a traduit à sa manière les spécificités et les antagonismes qui le traversent. Et la question du travail se posant à chacun, les poèmes sur le sujet, quelle que soit leur visée, nous parlent à tous au moins autant que la poésie amoureuse.

La forme poétique a une particularité quand elle traite du thème de l’effort : contrairement aux textes descriptifs ou pamphlétaires, elle possède une acuité propre à sa forme condensée, elle ennoblit les gestes du travailleur en les extrayant de la banalité de leur quotidien, et elle s’adresse directement au cœur du lecteur par le biais de l’émotion et du sentiment, en faisant l’économie des détours démonstratifs. C’est aussi ce que réalise le dessin. Les illustrations de Mireille Mondou, qui rythment sans régularité la lecture des textes, sont autant d’échappées abstraites dans le paysage si concret du travail que le lecteur connaît bien.

Les textes rassemblés ici sont écletiques par leur forme, leur époque d’écriture allant du XVIe au XXe  siècle, et leurs intentions. Les plus grands noms de la poésie française côtoient des auteurs moins connus. Néanmoins, tous posent en filigrane la question de la destination du fruit du labeur et, in fine, celle de la dignité du travailleur : travailler pour soi ou travailler pour un patron, le rapport qu’on entretient avec le métier lui-même en sera modifié. Cette question qui traverse presque tous les textes est explicite dans le dialogue entre un berger et un chevrier, d’André Chénier, que nous avons placé en prologue de ce volume. Esclavage avilissant pour le gardien de moutons, liberté édifiante pour le gardien de chèvres, leurs tâches quotidiennes respectives ne doivent pourtant pas être bien différentes.

À partir de ce questionnement posé en arrière-plan, nous avons organisé les poèmes par thématiques qui vont conduire le lecteur de la fierté et la richesse nées de l’accomplissement de la besogne jusqu’à l’enfer du travail forcé, où se perd la dignité humaine face à la misère ou au diktat de la machine et du « progrès ». Heureusement, le travail est aussi le levier de la révolte, voire de la révolution, qui rend l’humanité volée à l’humilié  ; car il justifie cette révolte, dans le sens où il la rend juste. C’est le thème de la dernière partie qui érige la figure du forgeron en artisan de sa liberté.

Plus qu’un simple observateur, le poète est donc bien souvent engagé dans son temps quand il choisit d’aborder ce sujet, et son œuvre se transforme alors en un instrument d’un combat qui nous concerne tous.

Ludivine Péchoux


"Et l'on travaillerait fièrement tout le jour". Petite anthologie de poèmes sur le travail est disponible en librairie ou sur notre site.

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